Dans ce monde d'incertitude, le voile vient de se lever sur la nouvelle orientation de notre stratégie de défense et de sécurité nationale. Le Président de la république nous a ordonné le cap, celui de la primauté des forces. La fiche de traversée du Livre blanc, au-delà de la description de l'environnement dans lequel nous allons évoluer, vient nous préciser les principales capacités dont nous allons disposer pour la traversée des quinze prochaines années.

La marine en évolution continue

Cliquez pour agrandir l'imageMaintenant que notre ordre de mission nous a été remis, il reste aux marins à arrimer le matériel et à prendre les dispositions préparatoires pour ce nouvel appareillage. Celui-ci vient après une traversée qui n'a pas été de tout repos, avec un resserrement de notre dispositif territorial sur nos deux ports principaux de Brest et de Toulon, le grand chantier de la professionnalisation et celui de la remontée de la disponibilité de nos équipements. Sur les dix dernières années, les effectifs de la marine nationale ont ainsi diminué de près de 30% passant de 70 000 à 50 000 marins, tant militaires que civils, alors que le nombre de ses bâtiments de combat et de soutien a diminué de plus de 30%. Aussi, notre dernière traversée a été longue et menée à un rythme soutenu face à des vents pas toujours portants, avec des engagements supplémentaires en cours de route, tels ceux liés aux évènements post-11 septembre ou à la crise au Liban à l'été 2006.

Les marins ont de tous temps été au service de la politique et de la grandeur de la France, sachant s'adapter au fil des siècles à l'évolution du monde. Après avoir exploré les océans et participé aux grandes découvertes au 18ème siècle  puis sillonné toutes les mers du monde pour garantir notamment nos liaisons avec les colonies, ils contribuent aujourd'hui à des missions plus nombreuses. Celles-ci, confirmées par le Livre blanc, vont de la garantie ultime de la sécurité et de l'indépendance nationale au travers de la dissuasion, à la sécurité de nos approvisionnements, des usagers de la mer et de nos ressortissants ou à l'anticipation des crises. Si naviguer est notre vocation, nous savons bien que l'homme de mer n'appareille jamais sans but. Ces dernières années, plus de la moitié de nos bâtiments à la mer étaient engagés en opérations.

Moderniser sans désarmer prématurément

La marine appareillant pour une nouvelle traversée, il me revient de préciser les consignes pour les premières années du périple à venir. Pour cela, le Président de la République nous a clairement défini les axes de la réforme, en nous assurant de nouvelles marges de manœuvre pour investir dans les équipements à partir des économies réalisés sur les effectifs.

Cette réforme, c'est le fruit du Livre blanc et de la RGPP. Si le premier nous précise le cadre dans lequel nous allons opérer avec les moyens afférents, la RGPP a effectué selon une méthodologie rigoureuse un excellent travail d'analyse de notre fonctionnement. Celui-ci a permis d'établir des ratios dans de nombreuses fonctions qui confortent la marine dans le bien fondé des réformes qu'elle a menées ces dernières années. Le format de la marine est dorénavant décidé par le chef des armées dans ses grandes lignes, tant en équipements qu'en effectifs.

Les discussions sur les objectifs sont terminées. Il reste maintenant à ajuster la route du navire marine nationale pour la prochaine traversée. Dans ces instants là, les conseils des hommes d'expérience peuvent s'avérer précieux face à ceux qui pressent de toute part. Le Pharaon Aménémopé au 14ème siècle avant JC  déclarait C'est le pilote qui voit loin qui ne fera pas chavirer le bateau. En ce sens, l'idée d'un désarmement prématuré de bâtiments de combat  pour rallier de manière anticipée le format n'est pas une bonne idée. Elle s'avérerait très pénalisante sur le plan de l'efficacité opérationnelle et affecterait les capacités de réactivité de la marine, comme celles mises en œuvre lors de l'opération Baliste au large du Liban à l'été 2006. Nos bâtiments neufs ou futurs ont ou disposeront de capacités bien supérieures à ceux actuels qui ont atteint un âge respectable. Pour les opérations de haute intensité, le nombre de bâtiments engagés pourra donc être optimisé. Mais cela n'est pas possible tant que ces futurs bâtiments ne sont pas admis au service actif.
En outre, pour remplir les missions liées à l'action de l'État en mer, la marine devra continuer de mettre en œuvre des bâtiments de haute mer au-delà des seules frégates de premier rang. Ceux-ci devront être rustiques et avoir probablement des capacités plus rudimentaires.

Libérer l'énergie des marins

Comme l'a déclaré le chef des armées, il faut améliorer l'organisation des soutiens de la Défense et c'est là qu'il nous faut rechercher nos marges de manœuvre pour réinvestir. Comme le constate l'audit de la RGPP, la marine s'est profondément réorganisée en ce domaine ces dernières années, notamment pour le MCO naval et seul un nombre restreint de pistes d'économie sont identifiées. Or, pour revenir à une analogie maritime, l'avance d'un navire dépend fortement de l'état de sa carène.
Actuellement, la carène de la marine nationale est couverte d'une couche de salissures. Celles-ci sont pour une bonne partie liées à cette surcharge normative et administrative accumulée au fil des siècles qu'aucun carénage intermédiaire n'a réussi à nettoyer efficacement. Les règlements successifs qui ne cessent de se superposer au fil des ans sont des freins indéniables à notre progression. Ils nous privent de ces quelques dixièmes de nœuds si importants à la mer pour rester au vent et donc manœuvrant. Ils accaparent une part significative de l'énergie de nos équipages juste dimensionnés pour y répondre alors que nos effectifs vont poursuivre leur diminution.

L'un des premiers axes fixés aux marins est d'identifier toutes les entraves à notre progression qu'elles soient le fruit d'habitudes, de normes trop contraignantes ou surdimensionnées, de directives internes ou de contraintes externes. Car qui peut mieux le faire si ce n'est les marins qui les subissent quotidiennement dans nos unités ? Fort de cet inventaire, à nous de lutter, chacun à notre niveau, pour simplifier notre fonctionnement quotidien et abroger ces contraintes. Pour certaines, nous devrons amener la technostructure à faire bouger notre carcan administratif, réglementaire et législatif qui bride nos marges d'évolution. La modernisation de la marine et l'amélioration de son efficacité opérationnelle passent notamment par cette phase pour laquelle l'appui de nos dirigeants politiques sera nécessaire.    

Associer tous les marins à la modernisation

Cliquez pour agrandir l'imageLa transformation relève d'un processus continu auquel, par essence, les marins sont naturellement enclins car, comme l'affirme le poète Vahagn Davtian, la mer n'est que ce conseil : toujours avancer – jamais arriver.
Après une année consacrée à l'état des lieux et à la réflexion stratégique et au cours de laquelle les opérations de nos forces navales n'ont pour autant pas diminué, nous devons reprendre notre progression sur la route ordonnée. La poursuite de la modernisation de la marine, ordonnée par le chef des armées avec les ressources afférentes, afin de s'adapter et de répondre aux défis de la mondialisation nécessite l'investissement de tous les marins. Mais celui-ci ne sera efficace que si tous les membres de l'équipage Défense et nos partenaires extérieurs s'impliquent dans la réalisation de cette réforme majeure en faisant preuve d'aucun tabou, de transparence et en coordonnant leur allure.

Si l'on se réfère à l'adage du proverbe anglais une mer calme n'a jamais fait un bon marin, la traversée à venir sera sûrement agitée mais nous en ressortirons renforcés.




 


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